Carton rouge

mené par Lise Couzinier, plasticienne et photographe

avec des femmes et enfants des Aygalades

en partenariat avec le Centre social L’Olivier Bleu

Depuis des années, des décharges sauvages pullulent dans différents endroits de la ville de Marseille, et le quartier des Aygalades, situé dans le 15ème arrondissement, n’est pas épargné. Ce quartier, dont le nom signifierait en occitan « eau abondante » en raison de la présence d’un nombre important de fontaines et même d’une cascade, associe l’ancien village à une vaste zone de collines, partiellement déserte, montant jusqu’à l’un des premiers sommets du massif de l’Étoile. Mais ce cœur villageois proche de la nature est pollué par endroits par des encombrants : entre matelas, éviers, frigos, télés, portes et meubles en tous genres… ce sont des dépotoirs improvisés qui grandissent à ciel ouvert.

L’idée était donc, non seulement de rechercher une esthétique dans ce désordre, mais aussi et surtout de proposer un projet artistique engagé qui pourrait faire sens.

Le projet Carton rouge, initialement prévu au printemps 2020 et finalement étalé de janvier à avril 2021 (covid), aborde l’environnement sous l’angle des déchets et de l’occupation de l’espace public. Accompagné.e.s par l’artiste, les habitant.e.s sont encouragé.e.s à se faire explorateur.rice.s de leur quartier et à s’interroger sur ses dysfonctionnements. À travers la mise en scène photographique (un carton rouge tendu vers un élément à signaler), l’idée est de révéler l’anomalie, de mettre en lumière l’erreur insérée dans le paysage, la pollution visible ou invisible.

Il s’agissait d’abord d’initier des rencontres avec les familles fréquentant le centre social afin de créer des échanges et une libre circulation des idées. Première étape du projet, l’atelier tawashis, organisé à Lézarap’art pendant l’été 2020, était, surtout, l’occasion d’une première rencontre entre les participant.e.s et l’artiste, lors de laquelle cette dernière a pu présenter sa démarche et des premiers liens ont pu se nouer. Le mot japonais « tawashis » désigne des éponges écologiques, économiques et ludiques fabriquées à partir de chaussettes seules ou usées. Au détour de l’apprentissage collectif de cette technique de tissage rassembleuse, ce sont des sujets divers qui ont pu être discutés : en premier lieu les problématiques liées à l’industrie textile et à la surconsommation, mais aussi les habitudes de consommation et voies d’amélioration, ou encore la place qu’occupent les activités culturelles et artistiques.

S’en sont suivis plusieurs mois d’incertitudes et de complications liées à la crise sanitaire. Pour y pallier, les actrices du projet – l’équipe de Lézarap’art, la référente enfance-famille du Centre social L’Olivier Bleu, les femmes du centre social et l’artiste – ont imaginé ensemble une alternative numérique leur permettant de partager leurs photos sur un blog. Lorsque les ateliers ont enfin pu reprendre sous la forme de rencontres et d’arpentages du quartier, c’est avec une belle implication que toutes se sont lancées. Rapidement, les participantes se sont même réapproprié le projet en imaginant d’intégrer des cartons verts pour pointer les éléments positifs à valoriser, pour ne pas se limiter à un constat alarmant, une alerte rouge, mais entrevoir des raisons de garder espoir.

Le résultat de ce travail commun est proposé dans une parution imaginée par l’artiste, inspirée de la presse écrite sportive, qui recense les cartons rouges et les cartons vers délivrés tout au long des séances.  

À l’issue de ces séances, l’organisation d’une opération de ramassage des déchets est envisagée avec les habitant.e.s du quartier, l’objectif final étant de pouvoir profiter pleinement de cet environnement retrouvé.